L'inscription de l'IVG dans la Constitution

En devenant le premier pays au monde à constitutionnaliser l’interruption volontaire de grossesse, la France est à l’avant-garde de l’Histoire.  De l’histoire des femmes d’abord mais surtout de notre société. Car oui, bien plus qu’une affaire de femmes ou de genre, il s’agit d’une affaire de société.  Nous avons constitutionnalisé ce droit car nous pouvions le faire, car les forces politiques en présence nous permettaient de le faire. Nous l’avons fait pour offrir la protection la plus forte qui soit. Non pas seulement parce que l’avenir peut effrayer, mais parce qu’attendre que le droit à l’avortement soit effectivement menacé dans notre pays c’est attendre qu’il soit trop tard pour le protéger. Par ce vote, nous avons protégé l’avenir.  Alors que 72 députées, députés, sénatrices et sénateurs ont voté contre sa constitutionnalisation au Congrès, je suis fier de pouvoir dire que mon travail a porté ses fruits. Résultat d’un travail transpartisan avec l’auteure de la proposition de loi initiale, c’est mon amendement qui a été adopté à l’Assemblée nationale. C’est sur le fondement de cette écriture et de celle du Sénat que le Gouvernement a proposé une nouvelle écriture que nous avons adoptée au Congrès.

Focus sur mon amendement  

 En commission des lois le 16 novembre 2022, j'ai souhaité proposé un amendement pour modifier la rédaction initiale proposée par madame Mathilde Panot qui est la suivante : " Nul ne peut porter atteinte au droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à ces droits." J'ai souhaité modifier cette rédaction pour une version positive qui renvoie à la loi, garantissant ainsi un verrou législatif. J'ai ainsi proposé :" la loi garantit l'effectivité, l'égal accès à l'interruption volontaire de grossesse et son recours est libre, autonome et consentie." En commission, cette première version n'a pas été retenue. Pour autant, certains groupes d'opposition ont manifesté la volonté de réaliser un travail transpartisan pour trouver la meilleure écriture et la plus consensuelle. Ainsi, après ce travail, nous nous sommes mis d'accord sur l'écriture suivante : " La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse." Cette nouvelle écriture est plus protectrice des droits que nous cherchons à protéger. Par cette formulation positive, nous reconnaissons un « droit à l’interruption volontaire de grossesse » et nous posons un principe intangible dans la Constitution, en renvoyant à la loi le soin d’en garantir l’effectivité et l’égal accès.   En d’autres termes, cette rédaction consacre à la fois le caractère fondamental de ce droit et la nécessité de son encadrement par la loi, mais aussi un principe de non-régression en la matière, qui emporterait l’inconstitutionnalité de tout dispositif législatif qui viendrait porter atteinte à l’exercice de ce droit.  Plus précisément, la seule reconnaissance du droit à l’IVG ne suffit pas si les conditions de son exercice sont trop limitatives, c’est pourquoi il est fait référence à « l’effectivité et l’égal accès » à ce droit.   La notion d’effectivité exige qu’il s’agisse d’un droit réel (délai d’au moins quatorze semaines, absence d’obligation en matière de délai de réflexion ou de consentement des représentants légaux, existence de professionnels disponibles et formés).  L’égal accès renvoie à la possibilité pour toute personne qui en fait la demande de réaliser une IVG, quelle que soit sa situation géographique, familiale ou financière, ce qui suppose notamment la gratuité de cet acte et l’existence d’un maillage territorial suffisant avec des professionnels acceptant de réaliser les IVG. Enfin, le caractère « volontaire » de l’interruption volontaire de grossesse renvoie à la liberté de choix des personnes qui décident d’y recourir. L’interruption ne peut leur être imposée et est nécessairement consentie dès lors que la personne en fait la demande, sans que ce consentement ne doive faire l’objet d’une vérification particulière. Cette rédaction permet de reconnaître le droit à l’IVG comme un principe fondamental de nature constitutionnelle et d’y apporter une protection élevée contre de futures atteintes. Elle laisse également la voie ouverte à une amélioration de son effectivité par le législateur. Elle envoie enfin un signal au reste du monde en faisant de la France le premier pays à inscrire l’IVG dans son texte fondamental.  

La contraception, bien qu’étant un droit majeur, parfois menacé et encore trop souvent ineffectif, ne pose pas, en matière de constitutionnalité, de difficultés du même ordre que l’interruption volontaire de grossesse dont la conformité à la Constitution repose aujourd’hui sur le respect de l’équilibre entre les libertés de la femme et le principe de dignité humaine.  

 Où en est-on ?  

 Lors de la niche parlementaire de la France Insoumise le 24 novembre 2022, mon amendement a été adopté par un large majorité :  226 pour et 12 contre. 253 députés étaient présents au moment du vote. Grâce à cet amendement, un consensus a pu avoir lieu sur cette proposition de loi et donc elle a été adoptée par l'Assemblée nationale par 337 voix pour et 32 contre.   

 Pour aboutir, le gouvernement a repris cette proposition de loi afin de la présenter sous forme de projet de loi. En effet, cela permet au gouvernement de réunir en Congrès les parlementaires si les deux chambres votent à l'identique le texte.  Ainsi, les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, le 4 mars 2024, ont voté l'inscription de l'IVG dans la Constitution.